Traitement et prise en charge du cancer du sein : « l’État a fourni des efforts considérables pour l’accès à certains traitements innovants.Cependant, beaucoup reste à faire’’, professeur Yvon Kouassi, oncologue

    Le cancer du sein est le cancer le plus couramment détecté chez les femmes. Chaque année dans le monde des millions de nouveaux cas sont diagnostiqués. En Côte d’Ivoire, cette pathologie est au premier rang des cancers le plus diagnostiqué chez la femme. La prise en charge médicale est de mise dans un contexte où les patients sont partagés entre le poids du combat à mener et leur désir de survie. Le professeur Yvon Kouassi, oncologue médical au CHU de Treichville et enseignant-chercheur à l’Université Félix Houphouët-Boigny, revient sur le traitement et la prise en charge du cancer du sein en Côte d’Ivoire. Interview.

Professeur Yvon Kouassi, oncologue médical et enseignant-chercheur à l’Université Félix Houphouët-Boigny

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

    Pouvez-vous expliquer ce qu’est le cancer du sein et comment il se développe ?

    Le cancer du sein est une multiplication anarchique et incontrôlée de cellules cancéreuses développées au dépens de la glande mammaire. Les cellules cancéreuses sont des cellules anormales qui ne répondent plus aux différents mécanismes de régulation de l’organisme. Ces cellules ont une tendance à envahir des organes du sein et bien d’autres organes de l’organisme pour les détruire.

 

    Quelles sont les statistiques de prévalence du cancer du sein dans notre pays ?

    Selon les données de l’année 2022 en Côte d’Ivoire, le cancer du sein occupe le 1er rang des cancers de la femme en termes d’incidence  avec 3869 nouveaux cas et de mortalité avec 2092 décès. Près de 18% des cancers diagnostiqués en Côte d’Ivoire sont des cancers du sein.

    Quelles sont les méthodes de dépistage recommandées pour le cancer du sein ?

    Pour le dépistage du cancer du sein, 3 méthodes sont utilisées.
Première méthode : l’auto-examen par la patiente elle-même, une fois par mois, dès la puberté. Deuxième méthode : un examen des seins par un professionnel de santé, une fois par an, dès 25 ans. Troisième méthode : une mammographie systématique tous les 2 ans, à partir de 42 ans.

 

    Quelles sont les options de traitement disponibles dès le diagnostic du cancer du sein ou après détection d’une anomalie?

    Lorsque le diagnostic du cancer du sein est posé, il faut avant tout traitement rechercher la présence ou non de métastase. La métastase est le développement d’une autre localisation du cancer à distance du site tumoral initial ou primitif. Dans ce cas, on parlera de cancer généralisé. Le traitement d’un cancer localisé est différent de celui d’un cancer généralisé.
Une fois que cela est fait, on définira le projet thérapeutique qui consistera à planifier l’ordre d’administration des différents traitements indiqués. On pourra utiliser seul ou en association l’un des traitements suivants : la chirurgie, la radiothérapie, la chimiothérapie et la thérapie ciblée.

    Pouvez-vous expliquer les différents types de traitements, comme la chirurgie, la radiothérapie et la chimiothérapie.

    La chirurgie consiste à enlever la tumeur ou le cancer, idéalement en totalité. Dans le cadre du cancer du sein, en fonction du stade de la maladie, on peut retirer la tumeur seule, une partie du sein ou parfois la totalité du sein malade.
Quant à la radiothérapie, il s’agit d’une méthode de traitement du cancer qui utilise des radiations ionisantes afin de détruire les cellules cancéreuses après la chirurgie.
Concernant la chimiothérapie, elle permet de détruire les cellules cancéreuses à l‘aide de médicaments administrés le plus souvent en perfusion.

    Comment le choix du traitement est-il déterminé pour chaque patient(e) ?

    Le traitement est décidé au cours d’une réunion à laquelle tous les spécialistes de la question participent : C’est la réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP). Au cours de celle-ci, le cas est discuté pour le choix des traitements et la séquence d’administration. le projet thérapeutique est retenu pour chaque patient et lui est proposé.

    Parlez-nous de la médecine personnalisée dans le traitement du cancer du sein. Comment est- elle utilisée ?
    La médecine personnalisée est un concept médical dans lequel tout patient est unique. Sa maladie est unique et nécessite un traitement personnalisé ciblant les anomalies particulières de la maladie. Elle permet de traiter une même maladie différemment selon les patients.

 

Lire aussi:
Genre et changements climatiques ,vers la mise en place d'une stratégie nationale en Côte d'Ivoire

    Par le passé, les personnes atteintes du cancer du sein quittaient le pays pour les soins plus adaptés à l’étranger. Pensez-vous que la Côte d’Ivoire dispose aujourd’hui d’un bon plateau technique pour un traitement efficace? Justifiez votre réponse.

    Oui, la Côte d’Ivoire dispose de structures adaptées pour le traitement du cancer telle que le centre National d’oncologie médicale et de radiothérapie Alassane Ouattara (Cnrao). L’Etat a également fait des efforts considérables pour permettre l’accès à certains traitements innovants dans le cancer du sein. Cependant, beaucoup reste à faire. Les ressources humaines et matérielles sont encore insuffisantes à ce jour pour la population ivoirienne. En plus de cela, à ce jour tous les traitements ne sont pas subventionnés et gratuits, certains restent souvent inaccessibles pour la grande majorité des patients.

 

Lire aussi:
Portrait/ Yopougon, président Nguessan désormais ambassadeur de la lutte contre le Coronavirus

    Les patient(e)s bénéficient-ils(elles) d’un soutien psychologique durant le traitement ?
    Certaines structures de prise en charge du cancer en Côte d’Ivoire disposent d’une unité de soutien psychologique. Cette unité est chargée effectivement d’accompagner les patientes durant leur parcours de soin. L’installation d’unité de soutien psychologique dans tous les centres de cancérologie permettrait d’améliorer la prise en charge.

    Quelles sont les étapes clés du suivi post-traitement ?
    Le suivi post-traitement est bien codifié. Un plan de surveillance est établi pendant et après le traitement. Il consiste en la réalisation de consultation et d’examens biologiques et radiologiques de façon régulière.

    Quelles avancées récentes dans la recherche sur le cancer du sein pourraient changer les traitements à l’avenir ?
    Il est difficile de répondre clairement à cette question quant on sait que chaque jour des avancées sont faites dans le diagnostic et le traitement. La meilleure avancée (la plus attendue) serait de trouver un traitement de la cause du cancer du sein. Cependant, pour cela, il faudrait que sa cause soit trouvée. Ce n’est pas encore le cas.
 

    Peut-on complètement guérir du cancer du sein ?

    Oui, il est possible de guérir du cancer du sein. Cette guérison est possible pour les stades localisés de la maladie.

 

Lire aussi:
Mugef-ci, l’assemblée générale valide de nouveaux produits  santé et  prévoyance

Y’a t-il des cas de récidive ? Si oui, comment sont-ils gérés ?

    Oui, il existe des récidives de cancer du sein. Elles sont gérées de la même manière ; c’est-à-dire que le traitement est décidé en RCP.

    Qu’avez-vous à dire aux femmes qui ont peur de se faire dépister par crainte de la maladie?

    Le dépistage peut sauver la vie et peut sauver le sein. Lorsque le cancer est découvert tôt, on peut en guérir. Au stade précoce, l’ablation du sein n’est pas obligatoire

    Quels conseils donneriez-vous en matière de prévention du cancer du sein ?(l’hygiène de vie à adopter pour éviter ou limiter les risques du cancer du sein)

    Nous conseillons aux patientes de faire leur dépistage par les trois (3) méthodes déjà indiquée. En plus de cela, avoir une bonne hygiène de vie, une alimentation équilibrée avec un régime riche en fruits et légumes et pauvre en graisses animales (viandes rouges), pratiquer une activité physique régulière et enfin consulter au moindre signe suspect. Ne pas attendre d’avoir mal pour consulter un professionnel de santé. Eviter l’automédication.

     Comment selon-vous les campagnes de sensibilisation à l’exemple du mois d’octobre Rose peuvent-elles influencer le dépistage précoce ?

    L’influence réside dans le fait qu’on en parle un peu plus. Le fait d’en parler permet de lever des tabous, de faire passer des messages (au grand nombre), de réduire les coûts des différents examens de dépistage.

    Avez-vous un message ou un conseil final que vous aimeriez transmettre aux femmes qui traversent cette épreuve ?

    J’aimerais dire aux femmes qui traversent cette épreuve qu’elles ne sont pas seules. Nous les professionnels de santé, spécialistes du cancer, sommes à leur écoute, à leur chevet. Ne pas hésiter à poser toutes les questions à votre médecin pour lever les doutes et être rassurées quant à la qualité des soins. Aucune question n’est taboue, ni indélicate.

 

Victoire Kouamé

Lemediacitoyen.com

 

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*