Née Manuella Kati KONE, l’écrivaine Manu kahoyomo est juriste de formation et activiste féministe. Lemediacitoyen.com vous invite à la rencontre de cette combattante de l’égalité, qui met la plume dans le tabou.
Quand vous arrivez au siège de l’Organisation pour la Réflexion et l’Action Féministe (ORAF) à Abidjan, vous trouvez la Directrice Exécutive souriante, calme et disposée. Quand vous prenez place auprès d’elle, que de petites blagues sarcastiques sur le patriarcat. Avec cette fausse timide, on ne s’ennuie pas. Depuis son retour de France, c’est en mars 2023 que la jeune écrivaine Manu KAHOYOMO prend ses quartiers à l’ORAF où elle exerce son militantisme avec dévouement. Au coeur de la riche bibliothèque du centre, s’aperçoit l’ un des rares essais littéraires féministes de plume ivoirienne. ‘’Le féminisme africain à l’ère de la soumission féminine : L’insoumise fait peur’’. C’ est la troisième œuvre de l’auteure, parue en 2021. Cet essai laisse peu de visiteuses et visiteurs indifférent-e-s . Il brise le tabou de la soumission de la femme. Cette soumission cristallisante. Bref.
Et comme Emilie Tapé ou encore Hami Traoré, Manu fait partie des écrivaines de la nouvelle génération qui cassent les codes. Passionnée d’art et de littérature, elle exprime son militantisme à travers l’écriture. Et rehausse avec ses paires la littérature féministe, riche en couleurs et styles mais encore à la traîne en Afrique francophone. « La littérature engagée féminine existe en Côte d’Ivoire mais la plupart des autrices n’assument pas l’étiquette féministe», constate Manu KAHOYOMO. Pour Manu K. des œuvres précurseures existent mais beaucoup reste à faire pour vulgariser cette littérature purement féministe. Une littérature qui fait la part belle à l’écriture inclusive à laquelle souscrit la plupart des féministes. Sa spécificité réside dans l’emploi des vocables permettant d’assurer l’égalité dans la représentation de l’homme et de la femme.
Une bibliographie fascinante par la profondeur de la réflexion
La diplômée d’un Master en droit public, mention Mondes Contemporains de la prestigieuse université de Clermont-Ferrand, en France est certes calme et réservée de nature, mais ne manque pas de dire ce qu’elle pense. Un trait de caractère qui selon elle l’a conduit au militantisme surtout le féminisme. «Je manifestais dès l’âge tendre , mon opposition aux injustices couramment commises à l’égard des femmes et de la jeune fille. J’avais en moi cette prédisposition depuis l’enfance de manière inconsciente. Cela m’est venue suite à de nombreux questionnements sur la condition de la femme africaine ».
Par ailleurs, la riche bibliographie de cette activiste chevronnée fascine tant par la qualité que la profondeur de la réflexion menée. L’écriture de Manu K qui manifestement est demeurée un hobby depuis l’enfance s’est davantage affinée par l’expérience, le vécu et son imagination fertile. Son premier roman intitulé : ‘’ je ne voulais pas vivre ma vie : les prisons d’une âme en peine’’ est un roman, paru en septembre 2019, qui évoque la souffrance psychologique. Il traite en effet, de la santé mentale. Un autre sujet auquel est sensible la féministe. Le second : ‘’ Panaché de sentiment’’ , paru en 2019 est du même registre.
‘’Le féminisme africain à l’ère de la soumission féminine : L’insoumise fait peur’’, troisième œuvre de l’écrivaine bien accueillie par la communauté féministe ivoirienne et africaine, n’est pas du goût de certains. Car il aborde un sujet considéré comme tabou. « Le sujet de la soumission touche au divin et tout ce qui est divin est sacrilège et relève donc du blasphème », souligne t-elle. Pour cette féministe engagée la meilleure manière de militer c’est d’aborder les sujets tabous car dit-elle «on ne fait pas de révolution sans bouleverser».
Une personne ouverte et affable, aimée de toutes
Aimée de toutes , ouverte et affable, c’est avec ferveur qu’elle est accueillie ce jour de 2021 à une rencontre du Réseau des Femmes Web-activistes engagées contre le Discours de Haine à Jacqueville. «Manu! Manu!», scandent la quasi totalité des participantes à son arrivée. Toutes sont contentes. Qui de la voir. Qui de la revoir. « Manu K. est indéniablement une activiste féministe courageuse au vu des différentes thématiques qu’elle aborde. Son combat est noble et porteur parce qu’à travers l’écriture, cette arme militante sous estimée, elle apporte sa pierre à l’édifice de la recherche et de la consignation de l’histoire des femmes », témoigne Carelle Laetitia Goli, blogueuse et activiste féministe ivoirienne , présidente de l’ORAF.
En outre, le parcours féministe de Manu K. est un long parcours qu’elle assume pleinement. Cependant elle s’insurge contre le mauvais procès fait aux Féministes. « Nous sommes taxées de suppôts de l’occident qui veulent détruire la couche familiale africaine ». Elle s’inscrit complètement en faux contre ce postulat, car la couche familiale africaine a été détruite depuis belle lurette, selon elle. « Penser un développement en Afrique dans un climat où la femme africaine doit juste être belle, se taire et ne vivre qu’au milieu de ses ustensiles de cuisine, c’est une idiocratie instituée dans nos pays’’. Regrette t-elle. Elle soutient fermement que les femmes sont celles qui font fonctionner une majorité du système économique mais elles sont malheureusement exploitées et maintenues dans cette esclavagisme moderne .« Il n’y aura pas de développement en Afrique tant que les femmes seront traitées avec ce mépris voilé sous fond de vénération », fait-elle savoir.
Enfin, Manu KAHOYOMO de retour sur ses terres, vient prendre pleinement sa place dans la lutte pour le respect des droits de la femme et l’égalité. Ce, aux côtés des autres féministes dans un parfait climat de sororité et de bienveillance.
Victoire Kouamé
Lemediacitoyen.com
*Portrait réalisé dans le cadre de la campagne de communication sur les actions féministes en Côte d’Ivoire dit campagne « Médiatisons les voix Féministes », initiée par l’Ong opinion Éclairée avec le soutien de la Foundation for Just Society et en partenariat avec Amnesty International Côte d’Ivoire.
Soyez le premier à commenter