Les locataires abidjanais dans la souffrance des maisons ‘’ boîtes d’allumettes ‘’

      

    « Maisons boîtes d’allumettes » –La Côte d’Ivoire connait un
boom immobilier ces dernières années. Cependant une certaine frange de la population éprouve d’énormes difficultés à se loger convenablement. Les coûts de loyer évoluent à une vitesse exponentielle sans pour autant satisfaire un minimum de commodités. Les habitations à usage de bail sont de plus en plus de dimension très réduites. Les occupants subissent d’énormes désagréments dus en grande partie au manque ou à une insuffisance d’aération. Ces maisons dites ‘’boîtes d’allumettes ‘’ sont construites au mépris des normes en vigueur. Ces lois sont totalement en contraste avec les réalités sur le terrain. 

     Abobo, dans une chaleur presqu’étouffante nous faisons la rencontre de Yolande Boly, la trentaine vivant en couple avec des enfants dans une habitation de deux pièces. ‘’ Nous vivons dans cet espace réduit où il n’y a pas de placard ni de plafond. Les périodes de chaleur sont invivables pour nous ‘’.
    A l’instar de Boly, Rose Kouakou vivant au 2 plateaux se plaint de l’étroitesse de sa maison« Je vis dans une maison où tout est coincé. A peine si la cuisine peut contenir deux personnes, tellement l’espace est réduit »
Le problème de l’exiguïté des maisons à Abidjan est un problème qui touche plusieurs communes du district d’Abidjan. Une anarchie totale règne dans ce milieu car les propriétaires de maisons construisent au grand dam de la réglementation en vigueur en termes de dimension.

     Brou Célestin entrepreneur en bâtiment fustige « Nous savons que les dimensions ne sont pas normales. Ce sont les propriétaires de maison eux-mêmes qui nous obligent à construire des pièces réduites uniquement dans l’objectif de maximiser c’est-à-dire avoir suffisamment de place pour construire assez de maisons». « Ils te disent : « Est-ce que c’est l’État qui a acheté mon terrain ? je construis comme je veux… » , poursuit-il.

    Selon le dernier recensement général de la population et de l’habitat effectué en 2021, ce sont 35,6% de la population ivoirienne qui vivent en location simple .
Malgré la construction de plusieurs logements sociaux dans les communes de Songon, Bingerville, Grand Bassam etc., la demande en logement demeure forte.
 De plus, un rapport publié en 2017 sur le secteur de la construction de logements dans le grand Abidjan mentionne que le déficit de logements en Côte d’Ivoire est estimé à environ 500 000 logements, et se creuse d’environ 40 à 50 000 unités par année. Ce déficit est particulièrement marqué dans la zone du Grand Abidjan, sur laquelle l’étude a été concentrée.
Les locataires vivant dans les « maisons boîtes d’allumettes » se disent contraints à cause du coût élevé des loyers. Ils subissent d’énormes désagréments. Leur bien être physique et leur santé en pâtissent.

    L’impact sanitaire sur les locataires

      Plusieurs occupants de maisons ‘’ boîtes d’allumettes ‘’ à Abidjan se plaignent de chaleur, de moisissures liées à l’humidité, et même des odeurs des égouts qui remontent.
‘’ Nous habitions une 3 pièces. La maison était basse et mal construite. L’humidité était telle que mes enfants et moi étions tout le temps grippés’’, a déploré Marie N’goran vivant dans la commune de Yopougon.
En effet, vivre dans une maison à dimension très réduites peut créer un risque sur la santé.

    Dr Gouzou Fabrice, médecin généraliste et spécialiste en réanimation explique que les moisissures peuvent avoir un impact sur la santé des occupants des maisons ‘’ boîtes d’allumettes ‘’.
« Les moisissures libèrent des spores dans l’air qui peuvent être inhalées. Ce qui peut entraîner divers problèmes de santé, en particulier chez les personnes sensibles.
Les occupants des maisons infestées de moisissures pourraient s’exposer à des réactions allergiques provoquant des symptômes tels que des éternuements, une congestion nasale, des démangeaisons et des irritations des yeux et des voies respiratoires.

    Les moisissures peuvent provoquer des crises d’asthme et rendre la respiration difficile. Pour les personnes asthmatiques, l’exposition aux moisissures peut aggraver les symptômes respiratoires.
Certaines variétés de moisissures peuvent également provoquer des infections pulmonaires chez les individus ayant un système immunitaire affaibli.
Aussi, une exposition prolongée aux moisissures peut provoquer une sinusite fongique c’est-à-dire une inflammation des sinus, conduisant à des symptômes tels que des maux de tête, une congestion nasale, des douleurs faciales et une perte de l’odorat.
Le contact direct avec les moisissures peut causer des réactions cutanées : les irritations de la peau, des rougeurs, des démangeaisons etc.’’, a énoncé Dr Gouzou Fabrice. 

    De ce fait, il fait ces recommandations « Il faut identifier et éliminer la source d’humidité. Nettoyer et éliminer les moisissures visibles. Assurer une bonne ventilation en aérant les pièces par l’ouverture des fenêtres.
Éviter l’accumulation d’objets et de déchets. Surveiller régulièrement les signes de moisissures. Inspectez régulièrement les zones sujettes à l’humidité, comme les salles de bains, les cuisines et les sous-sols etc. »

Le docteur Gouzou Wilfried interpelle sur les conséquences sanitaires des maisons boîtes d’allumettes
Dr Gouzou Wilfried, médecin généraliste, spécialiste en réanimation 

    Si les occupants des maisons ‘’boîtes d’allumettes ‘’ encourent de graves dangers sanitaires, quelles normes en matière de construction sont établies pour éviter ces désagréments ?

    Les normes ivoiriennes en matière de construction

   
  Plusieurs lois régissent le secteur de la construction en Côte d’Ivoire. Le code de construction et de l’habitat de 2019 ainsi que les lois réglementaires fixent les normes en matière d’immobilier en Côte d’Ivoire. Selon les dispositions de l’article 262 du code sus cité, les règles générales de construction relatives, notamment, aux surfaces des pièces et cours, aux dimensions minimales intérieures, aux équipements sanitaires etc. sont fixées par voie réglementaire.

    Un arrêté pris en 1974 par le ministère de la construction et de l’urbanisme prescrit des dimensions minimales intérieures. Selon l’article 19 de cet arrêté « Aucune pièce destinée au séjour ou au sommeil ne peut avoir de dimensions inférieures à 2,90 mètres, la plus petite dimension de cuisine ne doit pas être inférieure en zone urbaine à 2,50 mètres, ce qui correspond à une surface de 6 mètres carrés »
Cet arrêté de 1974 traite largement des questions liées aux dimensions des maisons individuelles.

    Ainsi, les prescriptions spéciales concernant les bâtiments d’habitation et logement définissent les surfaces des pièces et couloirs pour lesquelles les valeurs ne doivent pas être inférieures.
Pour les pièces uniques telles les studios la surface recommandée est de 18 mètres carrés y compris les pièces équipées. En ce qui concerne les pièces de séjour c’est à dire le salon, la surface est de 15 mètres carrés pour la première et 9 mètres carrés pour les autres. 12 mètres carrés de surface sont préconisés pour la chambre à coucher et 9 mètres carrés pour les autres.

    Quant aux pièces de services notamment les douches, salles d’eau etc., la surface est calculée en fonction de l’encombrement des appareils prévus, augmentée des aires de services.
Les plafonds doivent être situés à une hauteur de 2,75 m dans les locaux non climatisés et à 2,50 mètres dans des locaux climatisés.
Ces mesures représentent des valeurs indicatives que les maîtres d’ouvrages doivent soit respecter où aller au-delà pour l’équilibre et le bien être des futurs occupants .

    En matière de suivi, la brigade d’investigation et de contrôle urbain rattachée au ministère de la construction, du logement et de l’urbanisme a pour rôle de veiller au respect des lois en matière de construction. Elle est également chargée de coordonner et suivre les antennes dispatcher sur le territoire national. Aussi, elle procède aux démolitions en cas de non respect des normes.
Approchés pour de plus amples informations sur le sujet, des agents du ministère de la construction, du logement et de l’urbanisme, n’ont pas souhaité réagir.

    La question du logement est un problème qui préoccupe au plus haut point les abidjanais qui subissent de plein fouet la cherté de vie. Ils sollicitent du gouvernement le droit à être logés convenablement et espère une implication des autorités pour faire respecter les normes en matière de construction.

Victoire Kouamé

Lemediacitoyen.com 

 

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