Côte d’ivoire /Santé mentale : Quand la résurgence des cas de suicide alerte

Le phénomène de suicide est de plus en plus récurrent en Côte d’Ivoire et prend des proportions des plus inquiétantes. Sur la période 2019-2021, le taux de prévalence du suicide en Côte d’Ivoire était de 19, 27 % soit 418 cas chez les adolescents de 10 à 24 ans et 30,51 % chez les jeunes adultes de 25 à 34 ans ainsi que 927 tentatives, selon une étude de l’Organisation Mondiale de la santé (OMS).
Après plusieurs cas de suicide, abondamment relayés en 2023 sur les réseaux sociaux, de nombreux cas de suicide ont été signalés en 2024, principalement au mois de juillet. Le suicide considéré comme un véritable fléau qui gangrène la société ivoirienne, créé l’émoi au sein de la population. La conscience collective effarée s’interroge : pourquoi tant de suicide ? Comment ces personnes ont- elles pu en arriver là ?
Présenté comme la conséquence d’une grande souffrance psychologique, le suicide, acte qui consiste à s’ôter volontairement la vie est un véritable problème de santé publique en Côte d’Ivoire.
Une jeune femme qu’on nommera Bintou a été sauvée in extremis par sa mère alors qu’elle tentait de se donner la mort en se sectionnant les veines. « J’ai été copieusement sermonnée par ma mère à la suite d’une bagarre avec mon frère. Plusieurs pensées me venaient à l’esprit me disant que ma mère ne m’aimais pas. J’ai voulu attenter à ma vie, je me vidais de mon sang. Heureusement , elle est apparue à temps pour me sauver la vie ».
A l’instar de Bintou, une élève du nom de Michelle raconte comment elle aussi a voulu mettre fin à ses jours « Ma mère m’a battu pensant que j’étais avec des garçons alors que j’étais allée étudier. J’ai bu du javel et par la suite avoué à mère ce que j’ai fait. Elle s’est précipité avec moi à l’hôpital pour me soigner ».
Si les tendances suicidaires sont assimilées à un déficit mental , car beaucoup estiment qu’une personne disposant toutes ses facultés ne peut se donner la mort, des individus sont plus enclin que d’autres à passer à l’acte. Ainsi, Les facteurs liés au suicide aussi bien qu’aux autres maladies mentales sont légions. Aussi, pour tenter d’ enrayer ce phénomène le gouvernement multiplie les stratégies de prévention.

Les facteurs de risque suicide
Le suicide intervient lorsque le sujet fait face à une détresse émotionnelle, psychologique ou lorsque sa santé mentale est altérée . L’OMS définit la santé mentale comme un « état de bien-être qui permet à chacun de réaliser son potentiel, de faire face aux difficultés normales de la vie, de travailler avec succès et de manière productive, et d’être en mesure d’apporter une contribution à la communauté ». C’est environ 10 % de la population mondiale soit 792 millions de personnes qui vivent avec un trouble mental, selon l’Oms. En Côte d’Ivoire ce sont plus de 60. 000 personnes qui souffrent de maladies mentales selon les chiffres donnés en 2023 par le directeur coordonnateur du Programme National de la santé mentale, Professeur Médard Koua Asséman.
Dans le cas spécifique du suicide, le Professeur Médard Koua Asséman invité sur la chaîne de télévision nationale ivoirienne le 16 juillet 2024, a indiqué que le suicide est lié à une détresse psychologique créé par une situation telle que la perte d’emploi, la tristesse, la maladie, l’échec, les problèmes de couples etc. Cette situation couplée du sentiment de désespoir ou d’impasse ajouté à la fragilité émotionnelle du sujet peut l’emmener à passer à l’acte. Il a toutefois précisé que « la gestion émotionnelle est inégale vis-à-vis de chaque personne » c’est-à-dire qu’elle diffère d’une personne à une autre. Car tous les individus ne réagissent pas de la même manière face aux difficultés de la vie. Ce qui explique le fait que certains pourraient avoir une propension au suicide par rapport à d’autres. D’une manière générale, selon le professeur Koua Médard, dans une communication faite le samedi 13 juillet, il existe quatre éléments clés de la santé mentale. Premièrement les composantes cognitives c’est-à-dire les pensées, l’état d’esprit, la manière de concevoir la vie, le regard porté sur soi. Deuxièmement, les composantes affectives qui englobent les émotions négatives, la manière de se sentir etc. Troisièmement, les composantes physiologiques qui prennent en compte les réactions physiologiques comme le manque de sommeil, mauvaise alimentation, les cheveux qui tombent, la peau sèche etc. Et quatrièmement les composantes comportementales qui vont avec des facteurs comme la consommation de la drogue, les actes de violence etc.
Ces éléments sont des facteurs clés qui pourraient mettre en cause la santé mentale des individus, primordiale pour une bonne santé physique.

Pr Médard Koua Asséman, directeur coordonnateur du PNSM

Les actions de prévention du suicide et de préservation de la santé mentale sont au cœur des actions gouvernementale qui a décidé d’en faire une question de santé publique. Le Programme National de Santé Mentale (PNSM), structure du ministère de la santé de l’hygiène publique et de la couverture maladie universelle créé en 2007 assure la gestion des questions liées à la santé mentale. Quid de la stratégie nationale de lutte contre le suicide ?

La stratégie nationale de lutte contre le suicide

Au nombre des actions mises en place pour prévenir le suicide, il ya la stratégie nationale de santé mentale 2023-2025 . C’est un plan stratégique du gouvernement qui vise entres autre la prévention du suicide chez les adolescents et les jeunes adultes, la détection et la surveillance des maladies liées à la santé mentale.
Le PNSM, principal acteur national des questions de santé mentale a pour mission de faire la promotion de la santé mentale par la communication et la sensibilisation. Elle est également chargée de mettre en place des stratégies de prévention et de guérison afin de réduire le taux de morbidité. Aussi, elle s’investit dans la recherche scientifique sur la santé mentale.
La prévention du suicide est transversale. Plusieurs ministères avec le ministère en charge de la santé mènent des actions pour lutter contre ce phénomène.
Les institutions internationales telles que l’Oms, l’Unicef financent des études dont celle de 2021 grâce à laquelle le projet prévention du suicide piloté par le PNSM a été mis sur pied. Cependant, malgré les efforts de sensibilisation, de promotion et de recherche en matière de santé mentale faits par les organismes en charge , les cas de suicide demeurent répétitifs.
Les questions liées à la santé mentale relèvent encore du tabou dans les sociétés africaines. Ceux qui en souffrent en parlent difficilement où se heurte à une sorte de banalisation lorsqu’ils décident d’en parler.
En Afrique la lutte pour la préservation de la santé mentale semble difficile parce quelle se heurte au manque ou à l’insuffisance de données. Un article publié sur le site afrimag.net le 16 avril 2024, intitulé l’Afrique a besoin de données pour améliorer la situation de sa santé mentale indique que l’amélioration de la santé mentale en Afrique ne peut être efficace que si elle est ciblée et fondée sur des données fiables. La Côte d’Ivoire veut relever le défi des données grâce à des études et des recherches dans ce domaine mais et surtout engager toutes les communautés à la prévention.

Victoire Kouamé

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